Archives expositions personnelles (L)
L’art qui dialogue avec l’environnement
Isabelle Le Minh pratique la photographie et produit des objets référentiels à l’image. Chacune de ses productions interroge l’image, sa fonction et sa fiction. Les images et objets qu’elle produit donnent corps à des interrogations qui sont des mises en abîmes sur notre rapport aux images et leur constitution.
Le texte de Luan Sturhahn
Cette exposition que l’on pourrait qualifier de méta artistique -
Dans son travail photographique antérieur, Isabelle Le Minh s’est toujours attachée à montrer la face cachée des choses en élaborant des formes plastiques fortes en lien étroit avec l’histoire de l’art, motivée avant tout par le désir de faire sens et de “donner à penser“. Sa démarche a atteint son paroxysme avec la série Tableaux (2003) où elle a photographié à l’échelle 1 le revers de peintures de Maîtres accompagnées de leurs cartels. Cette série, présentée également dans l’exposition, marque un changement d’orientation radical dans son travail puisque dès lors, elle décide de ne plus vouloir faire d’image et « de tout se permettre», affirmant un intérêt croissant pour l’écriture et les références linguistiques.
Sous le titre générique After Photography se dessine un projet dont le nom fait référence aux pratiques post-
La peinture Words of light (After Robert Frank) inaugure cet ensemble. Isabelle Le Minh rend un hommage poétique au photographe éponyme en réactivant une photographie emblématique de son oeuvre en ce qu’elle souligne l’importance des mots et du langage. Lorsque ce petit tableau cesse d’être éclairé, le mot WORDS apparaît en lettres phosphorescentes tandis que l’image disparaît dans la pénombre, rejouant ainsi l’un des phénomènes les plus merveilleux de la photographie argentique : la révélation de l’image latente. Words of light n’est d’ailleurs rien moins que la formule trouvée par Fox Talbot – l’un des pionniers de la photographie -
Just an illusion (After Ed Ruscha) se réfère aux Word Paintings, séries de mots peints et sérigraphiés par cet artiste dans les années soixante; les lettres ont été formées avec de la pellicule vierge développée dans les règles de l’art, puis mises en forme comme une sculpture. Il n’y a rien sur le film, sinon la potentialité d’une image à venir que chacun peut imaginer; il n’y a rien sur la photographie, sinon des bouts de films vierges qui nous disent que tout cela n’est qu’une illusion. À chacun de conclure !
Dans la continuité de la série Tableaux, Re-
Jouant sur un registre plus iconoclaste, la série Trop tôt, trop tard (After Henri Cartier-
Isabelle Le Minh, Soon
Le Wharf, Hérouville-
16.01 -
Dans la seconde partie de l’exposition, il est toujours question d’images, mais l’enjeu est cette fois la figure centrale de l’artiste. Se plaçant sur un territoire proche de la sociologie, Isabelle Le Minh opère avec une approche faussement scientifique pour poser un regard ironique sur la manière dont ce dernier est représenté dans la société actuelle, et par le monde de l’art contemporain en particulier.
Partant de l’hypothèse qu’il y aurait des manières de poser ou d’être pris en photographie propres aux artistes, elle a soigneusement sélectionné près d’un millier de clichés issus de monographies ou de catalogues d’exposition qu’elle a ensuite classé en différentes catégories. Compilées sous la forme du diaporama This is the artist, les images s’enchaînent en fonction d’analogies visuelles, convoquant parfois des éléments de narration et invitant le spectateur à toutes sortes d’interprétations ; si les thèmes de l’enfance, du miroir, du double, du masque ou du sommeil sont récurrents, c’est sans doute qu’il existe des liens étroits entre l’art et la psychanalyse. Si l’artiste se confond visuellement avec son oeuvre, c’est aussi probablement parce que tout le monde attend de lui une identification totale avec le travail. D’autres constats sont plus surprenants : ainsi, aucun artiste ne pose avec 13 amis ! Et lorsqu’un peintre se tient à côté de ses toiles abstraites, il semble qu’une règle mystérieuse exige qu’il y ait d’autant plus de tableaux sur la photo que sa peinture est bigarrée… De manière plus anecdotique, on peut conclure que les artistes préfèrent les brunes, aiment bien les chats, que Christo adore montrer du doigt, que Maria Lassnig adopte les poses les plus surprenantes et que Plessi ne peut s’empêcher d’imiter Richter.
Ce travail taxinomique trouve un prolongement encore plus ironique dans Listing. Entre inventaire à la Prévert et énumération borgésienne, ce classement d’artistes en plus de 5000 catégories est né dans une bibliothèque d’école d’art à partir de plusieurs constats. D’une part, il y a aujourd’hui tellement d’artistes, qu’il devient impossible de mémoriser tous leurs noms ; même dans les milieux avertis, on tend à les nommer en expliquant en quelques mots, le plus souvent par approximations successives, ce qu’ils ont fait ou ce qu’ils font, et cela d’autant plus que les productions actuelles sont plutôt centrées sur l’objet. En outre, beaucoup d’artistes développent des idées similaires, produisent des œuvres plastiquement proches, recourent à la citation, à l’emprunt ou laissent tout simplement un sentiment de déjà-
Initiée en 2005 avec la complicité de Catherine Schwartz, cette liste a été ensuite alimentée de manière compulsive et obsessionnelle par Isabelle Le Minh et n’est toujours pas “arrêtée“. Procédant le plus souvent par association d’idées, avec pour seule logique de ne pas en avoir, cette dernière s’est livrée avec jubilation à un véritable travail d’écriture qui dans son interminable déroulement prend parfois des allures de “ marabout de ficelle“ -
Si elle se plaît à révéler des ressemblances entre les oeuvres, des filiations, des collusions, des lieux communs, Isabelle Le Minh cite aussi des anecdotes à propos des artistes, découvre des cas d’homonymie insoupçonnés ou s’amuse de jeux de mots triviaux. Au-
Le parcours se conclut avec WOR(L)DS, un mobile inspiré par la célèbre animation 3D qui apparaît en ouverture de tous les films de la société Pathé. Cette sculpture pop -
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Exposition du 16 janvier au 27 mars 2009. Wharf Centre d'art contemporain de Basse-